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Ethique & argent : et si on apprenait à les concilier intelligemment ?

La relation entre mes projets éthiques et argent est un sujet qui m’a fait de sacrés noeuds au cerveau (et au ventre) ! Surtout lorsqu’il s’agissait de définir mes prix.

Et au delà de moi, ça alimente pas mal de discussions avec mes ami.e.s, clientes et plus largement dans mon réseau de la transition écologique et du développement personnel, comme tu peux le lire dans cet excellent article d’Anaelle, de La révolution des tortues :  Argent et environnement : et si on arrêtait de les opposer constamment ?

Pourquoi je m’intéresse à la relation à l’argent dans les projets éthiques ?

C’est lorsque je suis devenue entrepreneure que j’ai réalisé que la question de l’argent était problématique pour moi, dans mes projets.

Enfin… pas à la création de mon activité… mais un peu plus tard. Environ un an après avoir créé mon projet, lorsque j’ai réalisé que ça n’allait pas passer, que si ça continuait comme ça, j’allais bientôt devoir retrouver un job salarié

Je m’étais lancée naïvement, j’avoue ! 

J’avais tellement besoin de liberté et de m’épanouir en faisant quelque chose 100% aligné avec mes valeurs, que j’ai – inconsciemment – tout fait pour éviter de me poser la question de l’argent.

C’est donc alors quand j’ai réalisé que mon activité n’allait pas tenir le coup, que j’ai ouvert les yeux et vu que je n’étais pas la seule. Et surtout j’ai vu les projets qui s’arrêtaient faute d’argent, les café associatifs qui fermaient, les sophrologues en galère d’argent qui se retrouvaient à bosser comme des fous, d’autres qui revenaient chez leurs parents… 

Et ça, ça m’a mise en colère. Mais vraiment. En colère contre notre modèle alternatif dans lequel tant de personnes passionnées et engagées se crament et se font du mal alors qu’on aspire tous à retrouver une écologie intérieure.

Cette colère, au début, elle était vraiment difficile à vivre pour moi. Mais maintenant je peux te dire que je la remercie, parce que c’est elle qui m’a mise en chemin pour trouver comment concilier un projet éthique et des prix justes. Parce que oui, c’est possible. 😉

projets éthique et argent - La petite fourmilière

Concilier éthique et argent, pourquoi ça coince ?

Les raisons, elles sont vraiment nombreuses. En voilà 5 : les principales que j’ai rencontré.

1- parce que notre modèle alternatif se construit en réaction au capitalisme dans lequel l’argent est roi

Personnellement, le modèle de la consommation à outrance “et vas-y que je passe mes samedis au centre commercial pour remplir mon armoire déjà blindée de chaussures en plastoque qui vont tenir ½ saison, fabriquées par des enfants à l’autre bout du monde en échange de 50 centimes tout en polluant leurs eaux potables.”

… comment dire… moi, ça ne me fait pas rêver. Ah ! toi non plus ?!

Donc, gagner de l’argent, ça peut devenir suspect. ^^ 

Mais en passant d’un extrême : “la priorité est de gagner de l’argent” à un autre : “gagner de l’argent, c’est mal”, on oublie de passer par le juste milieu : “ok, l’argent c’est une monnaie d’échange, ça facilite donc… les échanges entre être humains, donc potentiellement la coopération, donc je fais circuler cet argent. Donc… je distribue ET je reçois…

2- parce qu’il faudrait choisir entre agir pour “être utiles”, pour faire ce qui nous fait profondément kiffer ou pour l’argent

Bon… je reviendrais sans doute dans un autre article sur cette notion d’utilité (pour faire simple, pour moi, ce sont les objets qui sont utiles, pas les êtres humains… ), mais enfin il y a quelques années, l’une de mes premières aspirations en quittant mon job, c’était “être utile, vraiment”. Je me suis d’ailleurs souvent entendue dire que “ça, je ne le fais pas pour l’argent”.

De la même manière, recevoir de l’argent pour quelque chose que je fais sans effort et qui me fait vraiment kiffer, ça a vraiment été compliqué. Parce que, dans ma tête, toujours inconsciemment, voilà les associations qui se faisaient :

Travail = pour gagner de l’argent
Mais travail = efforts aussi…
Donc travail = efforts = argent

Alors que plaisir = loisir
Et comme loisir = c’est moi qui donne de l’argent…
Tu vois où ça bloque ?

La définition du travail, oui !
On pourrait écrire un bouquin sur cette seule question ! 

3- parce qu’on n’a pas besoin d’avoir beaucoup de revenus lorsqu’on a des valeurs

Ca fait des années qu’à la maison, on fait ce qu’il faut pour réduire nos besoins d’argent. 

Sans se priver, hein, juste faire des choix plus durables. Acheter des objets de bonne qualité qui vont durer très longtemps, des légumes en circuits-courts (Seb, mon mari est le co-fondateur d’un système qui aide les producteurs à vendre en direct, alors ça, c’est pas le plus compliqué ! ^^), ne porter quasi que des vêtements d’occasion…

Il m’a fallu un peu de temps pour comprendre que l’argent que je gagne, je ne suis pas obligée de m’en servir pour me faire une piscine dans le jardin ou pour m’acheter une porsche ! 🙂
Cet argent, il peut me servir à faire des choses qui ont du sens pour moi, comme soutenir des projets associatifs qui me parlent.

Et puis surtout, que cet argent… ce n’est pas que mon salaire c’est ce qui me permet de rendre mon activité résiliente. De financer :

  • mon site internet et ce blog, qui permet à des centaines de personnes de découvrir mon approche
  • les (très nombreux) accompagnements et formations que je suis chaque année (mon kiff ultime, continuer à apprendre !)
  • le boulot des personnes avec qui je travaille (pour le suivi administratif, la diffusion de ma comm, le montage des vidéos…) sans avoir à gratter pour avoir des ristournes ^^
  • les outils qui me facilitent la vie au quotidien (des poupouilles, mais qui me changent la vie, comme mon logiciel de prise de rdv)
  • mon matos que j’utilise en animation et en formation : les feutres (mon dada), les cartes… 
  • mais aussi les livres, etc…

4- parce que – parfois, et c’est mon cas – c’est socialement normal d’être toujours dans le rouge

Bon… là, c’est très personnel. Peut-être que ça ne te parlera pas, mais moi, je viens d’une famille dans laquelle c’est normal d’avoir des problèmes d’argent. Les fins de mois difficiles, je vois bien ce que c’est. D’ailleurs, la fin de mois, ça commence parfois dès le 5.

  • Le côté positif : j’ai grandi avec une mère qui s’est toujours débrouillée, du coup, au fond de moi, je sais que quoi qu’il arrive, ça passe. Tu trouves toujours un petit job, un bon plan pour renflouer le frigo. Même à la rue, seule avec ton enfant, tu peux trouver des personnes ou un foyer pour t’accueillir. Bref, tu développes la débrouillardise.
  • Le côté négatif : c’est normal d’être en “mode survie” en permanence. Et ça, c’est usant à la longue quand même. Et puis survivre… c’est pas vivre. Clairement ! 
argent et projets éthique - La petite fourmilière

5- et surtout parce qu’au fond, c’est quoi un prix juste ? 

Et oui ! Autant je suis ravie d’acheter à manger auprès de producteurs au juste prix, autant quand je suis arrivée au moment de définir MES justes prix à moi… là, c’était bien plus compliqué.
Du coup, j’ai testé différentes techniques. Dont ces 3 principales :

  • 1. “tiens, il facture combien, lui, que je m’aligne sur ses prix” (la fameuse étude de la “concurrence” ^^). Juste parfait dans un secteur dans lequel tout le monde tire déjà ses prix vers le bas. Ca ne pose pas la question ni de mes besoins, qui me sont propres, ni de la vraie valeur de ce que j’apporte à mes clientes.
  •  2. la participation consciente : “écoute, donne moi ce que tu veux (en conscience de la valeur que tu donnes à mon taff, hein !)”. J’ai adoré l’idée ! Vraiment ! Quand je l’ai testée, j’étais à fond ! J’ai rapidement déchanté en voyant ce que je recevais. C’était franchement démotivant, et j’ai trouvé super dangereux de confier la responsabilité de la vie de mon projet à mes clients.
    Du coup, j’ai cherché des structures pour qui ça marche. et je n’en ai pas trouvé (qui sont résilientes, avec des personnes qui estiment être payées à la juste valeur de leur travail).
    Et au delà de ça, chacun est responsable de ses besoins. Personne ne peut savoir pour nous de quoi nous avons besoin si nous ne le disons pas.
    Pour moi, cette approche peut être très démotivante et dangereuse financièrement lorsqu’on reçoit des sommes en dessous de ce que nous même estimons “le juste prix”. 
  • 3. “je décide un peu au piff”, la meilleure manière d’avancer un peu au piff aussi, du coup… ^^

Tout ça m’a amenée à vivre quelques aventures bien désagréables au moment de donner mes prix, lorsque le client cherche à négocier alors que j’avais mis mon tarif le plus bas du plus bas, voire des relances pour me faire payer.
Parce qu’un prix juste, c’est un prix juste pour moi… mais aussi pour mes clients. Et moi, je ne savais pas comment faire pour que mes prix soient justes pour mes clients !
C’est comme ça que je suis partie à la recherche d’une autre manière de faire.

J’avais l’intuition qu’on pouvait concilier un projet :

  • éthique (valeurs)
  • kiffant (plaisir)
  • sécurisant financièrement (argent)
  • qui s’articule bien avec le reste de ma vie (temps)

Pour ça, je suis partie en exploration : expérimentations, rencontres, accompagnements, formations… (bon, je ne me suis pas trop poussée, j’adore ça !), pour finalement composer l’approche que je cherchais, à partir de philosophies déjà existantes, notamment la Communication Non-Violente (rien ne se crée, tout se transforme, c’est la magie des partages et de la coopération !).

Je l’ai d’abord utilisée pour moi, alors que j’accompagnais des projets coopératifs. Puis rapidement j’ai eu des demandes de partage d’expérience. C’est là que je l’ai intégrée à mes accompagnements et commencé à accompagner des femmes entrepreneures.

Pour résumer, pour moi, il est plus que nécessaire que nous apprenions à payer le juste prix des choses et des services.
D’arrêter de tirer les prix vers le bas comme dans les magasins discount, pour être fières de payer le juste prix, comme lorsque nous achetons notre panier de légumes auprès de notre producteur. Et fières d’être payées au juste prix

C’est en mettant en place une spirale vertueuse qu’on pourra déployer nos projets sainement et donner envie à d’autres de nous rejoindre, pour que nos projets alternatifs deviennent la nouvelle norme.

Et toi, tu en penses quoi de la place de l’argent dans les projets qui ont vocation à faire du bien autour de nous ?


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2 commentaires

  1. Marc Milgram le 29 juin 2019 à 3:41

    Dans une société telle que la notre l’argent est une composante . Pas essentielle , mais obligatoire et donc à traiter de façon « normale » . Il en faut pour faire de son activité un revenu qui puisse permettre de vivre et de faire vivre sa famille. Quelle est valeur de ce que tu proposes ? est à mon sens la vraie et seule question qui se pose. Qui va l’acheter est la seconde ? celui qui peut ou /et celui qui en a besoin et c’est l’ajustement entre ces deux données qui vont faire le juste prix.C’est aussi pour cela qu’il peut y avoir du « marchandage » entre les deux parties .Une discussion qui permet de « faire un prix » non pour dévaloriser ce qu’on vend mais pour s’adapter à la bourse d’un autre avec qui j’ai envie de « commercer »
    et puis derrière cet argent il y a aussi la notion de gestion ( comptable bien sur puisque nous y sommes obligés) , de prévisions, de rendre des « comptes » de contrôles etc toutes ces chose qui ne plaisent pas forcement .
    Gagner de l’argent n’est pas « sale ni honteux » c’est juste et nécessaire , une fois ces choses dites c’est bien plus simple…!

    • Lidy Zulke-Trokhatcheff le 15 juillet 2019 à 7:05

      Merci pour ton partage, Marc ! Si on part du principe que l’argent peut nous être utile, voire nécessaire, notamment pour faire grandir des projets auxquels on croit, comment simplifier la relation que nous avons avec lui et regarder en face la valeur de ce que nous proposons. Car encore une fois, pour moi, l’argent, c’est avant tout une monnaie d’échange, qui facilite la coopération entre nous. 😉

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